"Jusqu'à 3000 € dépensés dans Brawl Stars" : pourquoi ce jeu rend les ados accros
Avec plus de 73 millions de joueurs actifs, Brawl Stars règne en maître sur les smartphones des adolescents du monde entier. Mais derrière ce succès phénoménal se cache une réalité plus sombre : un cocktail explosif de mécanismes addictifs qui inquiète de plus en plus les professionnels de santé.
Dans les couloirs des cliniques spécialisées, un nom revient sans cesse dans la bouche des adolescents : Brawl Stars. Ce jeu coloré et dynamique, pensé pour le mobile, fascine autant qu’il inquiète. Car derrière son apparente légèreté se cache un miroir de nos usages numériques actuels, où la compétition permanente et la gratification instantanée redessinent les frontières du divertissement.

Crédit image : Supercell
Brawl Stars, un jeu calibré pour accrocher les ados
Le Dr Olivier Phan, pédopsychiatre spécialisé en addictologie à la clinique de la Fondation santé des étudiants de France à Sceaux, tire la sonnette d’alarme. Dans son service, Brawl Stars domine largement les consultations liées aux addictions aux jeux vidéo chez les jeunes patients, comme il l’explique dans une interview accordée à France Info.
Ce constat alarmant s’explique par la nature même du jeu : exclusivement mobile, entièrement en ligne et basé sur la compétition permanente. Une formule qui se révèle particulièrement redoutable pour capter l’attention des plus jeunes. « Avant l’ère du multijoueur, nous n’avions quasiment aucun patient. Mais depuis World of Warcraft, League of Legends, Fortnite et maintenant Brawl Stars, la donne a changé », explique-t-il à France Info.
Selon le spécialiste, Brawl Stars rassemble tous les ingrédients d’un piège addictif sophistiqué :
- Le système d’avatar personnalisable : les fameux « brawlers » permettent aux adolescents de construire une identité virtuelle valorisante
- L’accessibilité totale : disponible uniquement sur smartphone, le jeu suit les joueurs partout, y compris dans les cours de récréation
- Des parties ultra-courtes mais infinies : le format « battle royale » encourage la répétition compulsive
- Un renouvellement constant : les mises à jour fréquentes maintiennent l’engagement
- Le piège du « free-to-play » : gratuit en apparence, mais avec des achats intégrés omniprésents
Quand le « gratuit » coûte des milliers d’euros
L’aspect économique révèle l’ampleur du problème. Si le jeu se présente comme un free-to-play, les microtransactions y tiennent une place centrale. Pass premium, skins exclusifs ou packs de gemmes, les options sont légion.
Pour certains jeunes, la facture peut s’avérer salée : « Certains de mes patients ont dépensé jusqu’à 3 000 € avec leur compte Brawl Stars », souligne Olivier Phan. Un modèle économique redoutable, qui pousse parfois les parents à retirer leurs cartes bancaires de peur de nouvelles dépenses imprévues. Cette réalité interroge sur la transparence commerciale d’un titre présenté comme gratuit mais pouvant générer plus de 60 millions de dollars par mois.
Comment identifier et prévenir l’addiction ?
Dans son service, Olivier Phan observe des jeunes capables de jouer six heures par jour, parfois au détriment de leur vie familiale ou scolaire. Pour les parents, certains signaux doivent alerter :
- baisse des résultats scolaires,
- absences répétées en classe,
- refus de participer aux repas en famille,
- abandon d’activités extérieures au profit des écrans.
Les recommandations du Dr Phan, rapportées par France Info, privilégient une approche pragmatique : ne pas hésiter à confisquer temporairement le smartphone, encourager les jeux collectifs sur écran unique, et surtout, donner l’exemple en tant que parent. Car comme le souligne l’expert, difficile de prêcher la modération numérique tout en « scrollant à l’infini » soi-même.
Cette analyse révèle que derrière le divertissement innocent se cache une mécanique commerciale redoutablement efficace, transformant le loisir en piège financier et comportemental pour toute une génération connectée.